ConcreteCity au Musée de Civilisation à Québec

Au cours des dernières décennies, l’intensité des forces de transformation qui perturbent la «condition urbaine» a remis en question les prétentions de contrôle et de stabilité sur lesquelles reposaient traditionnellement les ambitions du projet urbanistique. Cet état de chose n’est pas sans répercussions sur les façons d’imaginer, de théoriser et de mettre en pratique l’urbanisme et le projet territorial. Si la relation aux flux qui caractérise notre époque peut être opérée par l’action d’infrastructures architecturales de grande envergure, le déploiement d’une constellation de microéléments urbains constituerait une autre façon de penser et de mettre en œuvre l’idée d’infrastructure comme un équipement atomisé, réticulaire, ouvert et malléable. Ainsi, une approche ultralégère de l’urbanisme reflète le rôle et l’ambition de la micro-intervention dans le projet urbain en tant que vecteur d’action territorial stratégique. Ce qui a été généralement déprécié ou simplement inaperçu par l’architecture conventionnelle et l’urbanisme, à savoir le très petit, le mouvement, l’informel, c’est-à-dire le plancton retrouve ainsi une nouvelle valeur informative et opérationnelle pour imaginer l’intervention territoriale. Le plancton n’est pas un groupe d’organismes indistincts, apathiques et passifs, mais plutôt comme une multitude de petits dispositifs destinés à faciliter des performances et des utilisations variées, une myriade émouvante vers une actualisation créative des potentiels spatiaux et temporels du paysage urbain.

ConcreteCITY est une intervention ultralégère d’éléments sonores, sans fils, resautés, interactifs, dispersés à une grande échelle et insérés dans un espace donné, transformant ainsi une partie de la ville en une expérience sonore. ConcreteCITY déploie un réseau informatique éphémère ubiquitaire, en greffant temporairement une multitude d’actionneurs; de petits dispositifs «plancton» qui habitent, martèlent (solénoïdes), secouent (moteurs à courant continu), stimulent (piezos/servos) les objets et les infrastructures urbaines, (… est-ce qu’un panneau STOP peut frissonner lors que l’on l’approche?). Ces éléments urbains, détournés de leur utilisation principale créent une orchestration audio furtive. La composition résultante est une spatialisation du son à grande échelle avec plusieurs points d’écoute, englobant les planctons, les activités sociales, des phénomènes sonores et des processus qui se déroulent de façon concomitante.

ConcreteCITY se concentre sur l’imagination des sites urbains, leur pertinence, leur utilisation et leur mémoire. En interférant avec ce qui est normalement un «état» d’opérations données, l’intervention révèle une «bande sonore quotidienne augmentée» laissant le champ ouvert pour explorer le potentiel des sons de la ville, l’interaction avec les espaces et les objets urbains et les diverses interprétations de ce qui nous entoure. En induisant un comportement aux objets urbains, ConcreteCity se révèle donc comme une expérience sonore insondable évoquant l’effet Sharawadji1.

 

Équipe du projet :

Chercheurs : James Partaik, Luc Lévesque

Professionnel de recherche : Thomas Ouellet Fredericks

Assistants de recherche : Natalia Ardila Torres, Gabriel B. LeCouffe

Assistance technique : Isabelle Brassard

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1 L’effet Sharawadji est un phénomène musical décrit par Claude Shryer comme «une sensation de plénitude parfois créée par la contemplation d’un paysage sonore complexe dont la beauté est inexplicable». Il est important de noter que Sharawadji n’est pas un stimulus, mais plutôt une réaction à un stimulus. L’expérience de l’effet sonore de Sharawadji est fortement dicté par le contexte personnel ainsi que par la perception de l’auditeur. Un exemple frappant de cet effet est l’appréciation du son du tonnerre grumeleux: ceux qui sont directement exposés à l’élément seraient plus susceptibles de le craindre, comparé à ceux qui éprouvent le son dans un environnement sûr. Simplement, «les sons de sharawadji.

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